Emmanuel Razavi, vous proposez dans votre ouvrage publié chez Bold, « Grands Reporters », les témoignages aussi rares qu’exceptionnels, de grands reporters. Pouvez-vous nous en livrer quelques-uns ?
En 2018, je raconte par exemple comment le grand reporter Kamal Redouani obtient les coordonnées GPS de djihadistes en Syrie. Il enquête alors et récupère des documents internes au califat, des vidéos filmées par les terroristes et destinées à un usage interne. Il se plonge ensuite dans un long travail d’investigation qui va le conduire au Moyen-Orient, au cœur même de la nébuleuse islamiste, au péril de sa vie. Il va être témoin de drames, sera aussi pris en otage …
Je parle de l’histoire de mon amie et consœur Clarence Rodriguez, correspondante permanente en Arabie saoudite durant 12 ans, où elle a pris des risques incroyables pour témoigner du sort des femmes saoudiennes. Je suis très impressionné par Clarence, qui a sacrifié une partie de sa vie privée pour aller au bout de son travail.
Je raconte également une interview que nous avons faite d’un leader d’al Qaida avec mon camarade réalisateur Jean-Pierre Guillerez dans des conditions difficiles. Ses gardes du corps avaient leurs kalachnikovs braquées sur nos têtes en permanence et ce sont eux qui nous donnaient l’ordre d’allumer ou d’éteindre la caméra, et qui nous disaient quand poser des questions. Si on ne respectait pas leurs consignes, leur chef leur avait donné l’ordre de nous abattre. Nous avons ramené une interview très forte pour l’émission « Enquête exclusive ».
Je rends aussi hommage à mes compagnons de route disparus avec lesquels j’ai couvert des guerres ou des révolutions : Jean-Manuel Escarnot avec qui j’avais travaillé en Afghanistan et que je considérais comme mon frère, Stéphan Villeneuve et Pierre Creisson avec lesquels j’ai réalisé des enquêtes sur les organisations jihadistes. Ils ont eu des parcours de vie incroyables et inspirants. Il y a enfin des histoires très dures, comme celle du grand photographe Alain Buu, qui raconte sa détention en Irak, ses amis abattus à quelques mètres de lui, sa décision de se suicider pour échapper à la torture, puis enfin sa libération.
En 2018, je raconte par exemple comment le grand reporter Kamal Redouani obtient les coordonnées GPS de djihadistes en Syrie. Il enquête alors et récupère des documents internes au califat, des vidéos filmées par les terroristes et destinées à un usage interne. Il se plonge ensuite dans un long travail d’investigation qui va le conduire au Moyen-Orient, au cœur même de la nébuleuse islamiste, au péril de sa vie. Il va être témoin de drames, sera aussi pris en otage …
Je parle de l’histoire de mon amie et consœur Clarence Rodriguez, correspondante permanente en Arabie saoudite durant 12 ans, où elle a pris des risques incroyables pour témoigner du sort des femmes saoudiennes. Je suis très impressionné par Clarence, qui a sacrifié une partie de sa vie privée pour aller au bout de son travail.
Je raconte également une interview que nous avons faite d’un leader d’al Qaida avec mon camarade réalisateur Jean-Pierre Guillerez dans des conditions difficiles. Ses gardes du corps avaient leurs kalachnikovs braquées sur nos têtes en permanence et ce sont eux qui nous donnaient l’ordre d’allumer ou d’éteindre la caméra, et qui nous disaient quand poser des questions. Si on ne respectait pas leurs consignes, leur chef leur avait donné l’ordre de nous abattre. Nous avons ramené une interview très forte pour l’émission « Enquête exclusive ».
Je rends aussi hommage à mes compagnons de route disparus avec lesquels j’ai couvert des guerres ou des révolutions : Jean-Manuel Escarnot avec qui j’avais travaillé en Afghanistan et que je considérais comme mon frère, Stéphan Villeneuve et Pierre Creisson avec lesquels j’ai réalisé des enquêtes sur les organisations jihadistes. Ils ont eu des parcours de vie incroyables et inspirants. Il y a enfin des histoires très dures, comme celle du grand photographe Alain Buu, qui raconte sa détention en Irak, ses amis abattus à quelques mètres de lui, sa décision de se suicider pour échapper à la torture, puis enfin sa libération.
Avec l’avènement des réseaux sociaux, le métier de ces femmes et ces hommes, qui ont dédié leur vie à l’information, a-t-il changé ?
Les transmissions se sont accélérées. Le matériel de reportage, qu’il s’agisse des caméras ou des appareils photo numériques est devenu plus léger. On peut aujourd’hui diffuser une image en temps réel dans le monde entier beaucoup plus simplement qu’avant. Cela fait que n’importe qui, avec un simple téléphone portable, peut transmettre une information via twitter ou facebook également en temps réel.
Mais l’on a toujours besoin des journalistes de terrain pour vérifier l’information, l’analyser, recouper les informations et contextualiser les faits. Toutefois, le numérique les met encore plus sous pression, car les rédactions veulent de l’info en continu. Cela contribue à ce que les reporters prennent plus de risques qu’avant. Il y a aussi le fait qu’on est plus facilement « traçables » et donc repérables avec nos téléphones portables et nos ordinateurs. Les reporters sont devenus des cibles.
Quel est le rapport à l’image des belligérants de la guerre en Ukraine ?
Dans toutes les guerres, les images jouent un rôle important dans la stratégie de communication des États belligérants. Une image forte impacte les opinions publiques. Mais même si elle en dit long sur une situation, cela ne suffit pas. Il faut la contextualiser, la décrypter. C’est ce que font les photojournalistes et les cameramen en Ukraine. C’est la raison pour laquelle on a besoin d’eux.
Cependant, les soldats russes n’ont aucun état d’âme à tuer des journalistes.
Ce sont ainsi les preneurs d’images qui prennent souvent le plus de risques pour être au cœur de l’action. Avec une caméra ou un appareil photo, vous êtes tout de suite identifiable. Nos camarades payent un lourd tribut en Ukraine. À l’heure où je vous parle, 22 de nos confrères et consœurs sont morts là-bas.
Les transmissions se sont accélérées. Le matériel de reportage, qu’il s’agisse des caméras ou des appareils photo numériques est devenu plus léger. On peut aujourd’hui diffuser une image en temps réel dans le monde entier beaucoup plus simplement qu’avant. Cela fait que n’importe qui, avec un simple téléphone portable, peut transmettre une information via twitter ou facebook également en temps réel.
Mais l’on a toujours besoin des journalistes de terrain pour vérifier l’information, l’analyser, recouper les informations et contextualiser les faits. Toutefois, le numérique les met encore plus sous pression, car les rédactions veulent de l’info en continu. Cela contribue à ce que les reporters prennent plus de risques qu’avant. Il y a aussi le fait qu’on est plus facilement « traçables » et donc repérables avec nos téléphones portables et nos ordinateurs. Les reporters sont devenus des cibles.
Quel est le rapport à l’image des belligérants de la guerre en Ukraine ?
Dans toutes les guerres, les images jouent un rôle important dans la stratégie de communication des États belligérants. Une image forte impacte les opinions publiques. Mais même si elle en dit long sur une situation, cela ne suffit pas. Il faut la contextualiser, la décrypter. C’est ce que font les photojournalistes et les cameramen en Ukraine. C’est la raison pour laquelle on a besoin d’eux.
Cependant, les soldats russes n’ont aucun état d’âme à tuer des journalistes.
Ce sont ainsi les preneurs d’images qui prennent souvent le plus de risques pour être au cœur de l’action. Avec une caméra ou un appareil photo, vous êtes tout de suite identifiable. Nos camarades payent un lourd tribut en Ukraine. À l’heure où je vous parle, 22 de nos confrères et consœurs sont morts là-bas.
Quelles sont les qualités nécessaires à l’exercice de ce métier pas comme les autres ?
La curiosité, l’empathie, le sens de l’écoute, une solide culture générale, une bonne condition physique, une méthodologie de travail, savoir anticiper les risques et les prendre uniquement si cela fait sens. Avoir envie de donner la parole à ceux qui ne l’ont pas, écouter ses intuitions et rester fidèle à ce que l’on voit et que l’on entend, en prenant cependant le temps et le soin de vérifier les informations que l’on recueille. Être reporter de guerre ne s’improvise pas.
Nous avons une méthode de travail bien particulière, qui nous demande de savoir gérer notre stress, d’être en permanence dans l’anticipation. C’est ce qui fait que les anciens correspondants de guerre deviennent d’excellents managers au sein des rédactions. Ils ont le sens de l’anticipation des risques, sont à l’écoute de leurs équipes, savent gérer les crises. Ils sont habitués à toujours trouver des solutions.
Ils savent ce qui est nécessaire au fonctionnement de leurs équipes. Ce sont des « couteaux suisses » de l’information. J’ai travaillé avec des patrons de rédactions qui connaissaient très bien le terrain, comme Alain Mingam ou Chris Lafaille à Sygma, Jean-Marie Montali au Figaro Magazine, Frédéric Pons à Valeurs Actuelles, Jean-Paul Billault à Capa, Floris de Bonneville à Gamma, ou Bernard de La Villardière qui est à la fois producteur, patron de rédaction et homme de terrain. Je leur rends hommage dans ce livre. Je fais d’ailleurs en sorte de suivre leur exemple depuis que j’ai arrêté de couvrir des conflits et que je dirige des rédactions.
La curiosité, l’empathie, le sens de l’écoute, une solide culture générale, une bonne condition physique, une méthodologie de travail, savoir anticiper les risques et les prendre uniquement si cela fait sens. Avoir envie de donner la parole à ceux qui ne l’ont pas, écouter ses intuitions et rester fidèle à ce que l’on voit et que l’on entend, en prenant cependant le temps et le soin de vérifier les informations que l’on recueille. Être reporter de guerre ne s’improvise pas.
Nous avons une méthode de travail bien particulière, qui nous demande de savoir gérer notre stress, d’être en permanence dans l’anticipation. C’est ce qui fait que les anciens correspondants de guerre deviennent d’excellents managers au sein des rédactions. Ils ont le sens de l’anticipation des risques, sont à l’écoute de leurs équipes, savent gérer les crises. Ils sont habitués à toujours trouver des solutions.
Ils savent ce qui est nécessaire au fonctionnement de leurs équipes. Ce sont des « couteaux suisses » de l’information. J’ai travaillé avec des patrons de rédactions qui connaissaient très bien le terrain, comme Alain Mingam ou Chris Lafaille à Sygma, Jean-Marie Montali au Figaro Magazine, Frédéric Pons à Valeurs Actuelles, Jean-Paul Billault à Capa, Floris de Bonneville à Gamma, ou Bernard de La Villardière qui est à la fois producteur, patron de rédaction et homme de terrain. Je leur rends hommage dans ce livre. Je fais d’ailleurs en sorte de suivre leur exemple depuis que j’ai arrêté de couvrir des conflits et que je dirige des rédactions.